Tirant les enseignements de la monumentale déculottée qu’elle venait de se prendre lors de sa toute première audience “35 Bis-Besson”, la préfecture du Nord a tenté de s’adapter, du mieux qu’elle a pu, à la nouvelle règle des ” 24 heures pour statuer “. En vain.
Samedi dernier, à l’annonce du délibéré, les représentants de l’administration avaient prévenu de la riposte qu’ils préparaient : ” Le juge nous explique qu’il lui est difficile, par manque de temps, d’examiner nos requêtes en moins de 24 heures ? Fort bien : dorénavant, nous attendrons la toute dernière minute pour les déposer. “
Entendant ces mots, les avocats des sans-papiers bichaient : ” Shérif, fais-moi peur ! “
Car le problème, bien connu de ceux qui organisent leurs vacances avec des tickets ” dernière minute “, est que si on attend trop longtemps, on risque de ne plus partir du tout. Et la longue croisière tranquille qu’on espérait faire en Méditerranée risque de se transformer en court séjour dans un hôtel pourri de Lesquin.
Ça n’avait pas manqué.
Mardi suivant, le coursier de la préfecture déposait donc vers midi sur le bureau du juge des libertés et de la détention une nouvelle requête. L’audience se tiendrait le lendemain mercredi à 10 heures du matin. Le magistrat disposerait donc d’un peu moins de deux heures pour entendre les parties et rendre sa décision : cela paraissait jouable.
Le greffier horodatait la requête à 11h40 (R552-4 2°), convoquait l’étranger et son avocat (R552-5), et mettait à sa disposition le dossier (R552-7). Sur la première page figurait la requête du préfet, qui rappelait que la rétention avait commencé cinq jours plus tôt à 11h15. Le préfet demandait au magistrat d’ordonner la prolongation de la rétention dans un centre administratif pour vingt jours supplémentaires (L552-7).
Petit rappel juridique…
Pour s’assurer de la personne d’un étranger qu’elle souhaite expulser, le préfet peut utiliser différentes méthodes :
– La garde à vue, qui se déroule sous le contrôle du procureur (qui ne dit jamais non)
– La rétention décidée par l’administration (sitôt dit, sitôt fait) : on n’est jamais mieux servi que par soi-même
– La prolongation de cette rétention ordonnée par le juge des libertés et de la détention (qui dira oui ou non)
– Le déferrement devant le procureur (qui ne dit pratiquement jamais non), en vue d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel (qui dira oui ou non)
– La voie de fait. Le fait du prince, le bon plaisir, la lettre de cachet, si vous préférez.
Mais comme son nom l’indique : la voie de fait, eh bien, le préfet, il n’en a pas le droit. ” Tout ce qui n’est pas fait est droit et tout ce qui n’est point droit est tordu “, déclamait (à peu de choses près) Molière.
Et si nos bourgeois gentilshommes de la préfecture avaient bien le droit, à l’issue de la garde à vue de 24 heures qui avait pris fin le 21 juillet à 11h15, de placer l’étranger en rétention administrative pendant les cinq jours suivants (L552-1), ils ne pouvaient dépasser cette période de 120 heures ni d’une heure, ni d’une minute, ni d’une nanoseconde.
Mardi à 11h15, le délai préfix prévu par l’article R552-4 1° avait expiré. L’étranger, qui aurait du être immédiatement libéré, comparaissait pourtant le lendemain sous bonne escorte devant le juge des libertés et de la détention. Celui-ci ne pouvait que rendre une ordonnance de rejet de la requête (donc de remise en liberté du sans-papier), en constatant laconiquement : ” Notre saisine, postérieure à l’expiration du premier délai de rétention administrative, est irrégulière “.
Le préfet ne lui avait guère laissé d’autre choix. Ainsi que le relèvera la défense : ” Vous tenez de la loi le pouvoir de prolonger une mesure de rétention administrative. Mais vous n’avez en aucun cas la possibilité d’en créer une nouvelle. “
A l’audience ” 35 Bis-Besson ” de ce mercredi 27 juillet 2011, une fois encore, la messe était dite avant le délibéré. Elle était même dite avant d’avoir commencé (Alléluia !)