Le 27 août 2010, le tribunal administratif annulait quatre arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière de Roms. La préfecture, jurant mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus, annonce aussitôt qu’elle n’interjettera pas appel. Pourtant, lorsque sept autres Roms saisissent dès le lendemain le même tribunal d’une demande identique, la préfecture, plutôt que d’abroger les décisions dont elle vient d’admettre l’illégalité, persiste à soutenir l’insoutenable. Mais faut-il reprocher à l’administration de faire ce qu’elle sait faire le mieux ?
Et le préfet de plaider à la barre que ces sept Roumains, en plantant leur tente sur un terrain communal, ont troublé, non seulement l’Ordre public, mais aussi la Salubrité du même nom. Hé oui : encore le bruit et l’odeur…
Inévitablement, nouvelle claque (une grosse, après la petite) du tribunal administratif, qui annule le 31 août 2010 les sept arrêtés préfectoraux.
Trois fois hélas, parmi les Roms délogés de leur camp, un couple et un père de famille sont arrivés hors délais pour saisir le tribunal administratif. Aucun recours d’aucune sorte n’est plus envisageable pour eux : bien que les décisions qui les frappent soient, sans le moindre doute, illégales, elles sont devenues définitives, et peuvent être exécutées à tout moment.
Pendant plusieurs jours, les membres et sympathisants de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers font fumer les cafetières. Ils trouvent bien une solution, mais pour être totalement honnête, ils ne sont pas vraiment convaincus que cela va plaire au préfet.
Les avocats décident donc de reconduire leurs clients à la frontière… belge ! Ainsi, la mesure les obligeant à quitter le territoire sera exécutée, et comme elle ne leur interdit pas de revenir en France, ils pourront y retourner aussitôt. Ressortissants communautaires, ils bénéficient de la liberté de circulation.
Ce ne sont pas les routes frontalières qui manquent dans le Nord. Mais faute d’être jalonnées par une barrière de douane, un panneau ” France/Belgique “, ou même un trait sur le sol, la plupart de ces chaussées ne présentent aucun intérêt : l’huissier requis ne pourrait pas y constater grand chose. Impossible également de franchir la frontière devant un panneau autoroutier : l’huissier ne peut opérer en dehors de son ressort territorial. Après des recherches approfondies, la rue Léon Blum à Le Bizet-Armentières remporte la palme de plus ravissante frontière régionale.
Jeudi 9 septembre 2010 à 11h20, nos trois ressortissants roumains traversent la frontière, sous l’œil d’un officier ministériel qui dressera constat que les trois ressortissants roumains ” quittent le territoire national, se dirigent vers la Belgique, pénètrent sur le territoire belge par la rue Armentières Straat et avancent en direction du centre de Ploegsteert “.
N’ayant plus d’autres constatations à faire, l’huissier a clos son procès-verbal, qui sera adressé au préfet afin d’établir que les trois Roms ” ont volontairement exécuté la mesure de reconduite à la frontière en se rendant en Belgique “.
N’ayant, quant à eux, plus rien de particulier à faire en Belgique, les trois Roms ont fait demi-tour, pour revenir séjourner en France de manière parfaitement régulière.
Pour une fois que les frontières servent à quelque chose d’utile…