La dame congolaise s’est présentée sans méfiance au commissariat. Certes, elle avait reçu il y a près d’un an un ordre de quitter le territoire français (OQTF). Mais sa situation avait changé entretemps, puisqu’elle venait de se marier avec un français, un agent de sécurité avec qui elle vivait depuis plusieurs années. L’administration n’en a cure, de même que de ses problèmes de santé.

Lorsqu’elle arrive au centre de rétention (CRA), elle s’y déplace avec des béquilles. Les policiers du CRA, réduits à faire office de garde-malade, sont effarés, et ne comprennent pas comment ils vont pouvoir l’emmener à Roissy, et encore moins la faire embarquer.

Sa jambe raide a peut-être sauvée l’impotente. Car sinon, elle n’aurait vraisemblablement pas échappé à une reconduite au pays en 48 heures chrono. La préfecture avait de ‘bonnes’ raisons de se hâter : la vieille OQTF, prise il y a 357 jours, n’était plus valable que pendant les huit prochains jours. Et surtout, la Congolaise était munie de son passeport en cours de validité. Ce qui aurait permis, si le service “éloignement” avait pu lui trouver tout de suite une place dans un avion (médicalisé) pour Kinshasa, de l’expulser sans même attendre que le juge des libertés et de la détention (JLD) soit saisi de l’affaire.

 

Dans sa précipitation, la préfecture a simplement négligé un petit détail : la Congolaise est mère de quatre enfants mineurs résidant en France…

Les deux plus jeunes habitent avec elle et son mari, et les deux autres ont été confiés à un ami sur Paris : « Je n’ai que deux enfants avec moi, j’ai une santé fragile », se désole la maman de cinquante ans qui vient de faire un AVC. La seule diligence de l’administration, relèvera le JLD, a été de prendre attache avec le mari de l’intéressée qui a « fait savoir » qu’il allait « prendre en charge les enfants de son épouse » vivant chez lui. Et le magistrat de s’indigner que ni la mère ni les enfants n’aient été interrogés à ce sujet, et que la police ait préféré laisser les deux gamins à une personne ne détenant pas l’autorité parentale, sans autre formalité.

Il y a pire : les deux autres fils mineurs, confiés à un ami parisien, ont été pareillement oubliés, personne dans les bureaux ne se souciant d’avantage de contacter le père, le juge des enfants, ou le parquet mineur.

Le préfet, lors de sa réquisition au service éloignement en vue de réserver les billets, a répondu à la question ” Y a-t-il des accompagnants de la famille ? ” : « NON ». Après ça, qui osera soutenir que l’administration n’est pas économe des deniers publics ?

 

Le a libéré la Congolaise au regard de la , ce qui est rare ; mais aussi de la , ce qui est exceptionnel.

Cette affaire aura au moins permis d’apprendre une chose : dans ses statistiques des personnes expulsées (27 000 prévues en 2009), le ministère de l’immigration ne semble pas comptabiliser les enfants des sans-papiers. S’ils l’étaient, l’administration aurait une ‘bonne’ raison de ne pas les oublier au moment d’embarquer leurs parents dans l’avion.

La morale de cette histoire a été, une fois encore, fournie par la Cour d’appel. Alors que le premier juge, après avoir libéré la mère de famille, avait condamné l’Etat à lui rembourser ses frais d’avocat, le de la Cour d’appel a réformé en considérant qu’« au vu des éléments du dossier, l’équité ne commande pas de condamner le préfet du Nord au paiement d’une quelconque somme ». Tout à fait d’accord. L’équité ne justifiait absolument pas que cette famille, victime de violations caractérisées de ses droits fondamentaux, se voit remboursée des frais qu’elle avait du exposer afin d’éviter l’expulsion de la maman.