Le juge n’aurait du y voir que du feu.

Lors des audiences de prolongation de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière, l’administration saisit le magistrat d’une requête qui doit être « accompagnée de toutes pièces justificatives utiles ». Parmi les documents adressés par le préfet au tribunal, figure ce jour-là un de notification des droits au retenu. Cette pièce, qui porte le n°25, annonce notamment que l’étranger est convoqué à l’audience prévue vendredi matin (29/05/2009). Elle a été rédigée mercredi matin. Elle est signée par l’agent de police judiciaire, et porte la mention manuscrite « refuse de signer » à la place du paraphe du retenu. L’étranger, à son arrivée à l’audience du vendredi matin au tribunal, dispose bien de la même pièce.

Mais bizarrement, dans son souvenir, le procès-verbal que les policiers lui avaient remis mercredi matin indiquait plutôt une audience jeudi matin (28/05/2009). Il en avait d’ailleurs discuté avec son avocat dès son arrivée au centre de rétention. Cependant, peu après, un policier était passé lui emprunter les documents en sa possession, soit-disant « pour faire des photocopies ». Par magie, le procès-verbal qui lui avait été restitué une heure plus tard mentionnait à présent une convocation vendredi matin, le 29/05/2009.

Et l’avocat de plaider que le fameux procès-verbal produit par le préfet était rien moins qu’un faux, établi par l’administration dans le but futile de repousser l’audience à moindre frais.

Mais c’est très grave ce que vous avancez là, mon cher Sherlock ! Pouvez-vous en apporter la preuve ?

Absolument. Tout d abord le en possession du retenu porte en haut à droite les numéros de page qui sont inscrits manuscritement par la préfecture. Cette numérotation est réalisée sur chaque page du dossier, plusieurs heures après la rédaction du fameux procès-verbal. Les policiers ne pouvaient donc pas, mercredi matin au commissariat, avoir remis au retenu un document qui ne serait annoté “ page 25 ” que mercredi après-midi en préfecture. Elémentaire, mon cher Watson.

Ensuite, eh bien, par malchance pour la police, le retenu avait faxé mercredi à son avocat toutes les pièces qu’il avait sur lui, juste avant d’être victime du tour de passe-passe qui l’avait privé de son vrai procès-verbal. A l’audience, l’avocat se fit un devoir d’instruire le juge en présentant la télécopie du vrai document, pour le comparer au faux. Et de s’étonner de l’énergie qu’il avait fallu déployer pour élaborer ce faux document, en modifiant en informatique les dernières lignes du procès-verbal original, en le réimprimant, en le paraphant avec une signature et une mention ” Refuse de signer “, avant d’envoyer un tirage à la préfecture, puis un autre au Centre de rétention pour qu’il soit subrepticement échangé avec l’exemplaire en possession du retenu… Alors qu’une bête nouvelle convocation à l’audience aurait suffi !

S’il était établi, le fait de subtiliser la copie d’un document entre les mains d’un retenu ne serait constitutif que d’un simple , la circonstance qu’il ait pu être commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions dans l’enceinte d’un centre de rétention ne serait qu’une circonstance aggravante. En revanche, s’il était caractérisé, le fait pour des personnes dépositaires de l’autorité publique de créer un faux procès-verbal pourrait être qualifié de .