Ce jour-là, l’administration française est représentée devant le Juge des libertés et de la détention (JLD) par un champion du monde. Haut la main, le Préfet obtient l’accessit au Guiness book of records (le lecteur prendra seul la responsabilité du choix de la rubrique sous laquelle figurera l’honorable représentant de l’Etat). La procédure la plus nulle qu’on ait vue depuis il y a bien longtemps dans une galaxie très lointaine. Quinze moyens de nullité. Et attention, hein, pas de la chochotte ! Des poids lourds à tous les étages : interpellation, garde à vue, placement en rétention, exercice des droits, diligences de l’administration : la totale. L’avocat rédige cinq pages de conclusions serrées, façon synthèse. Et encore, distraite, la défense a laissé passer une petite seizième nullité.

Quand la préf’ en fait trop, la défense doit-elle en faire des tonnes ? En réalité, l’avocat n’a plus vraiment besoin de plaider : il souffle sur les pièces de la procédure, genre puzzle. Sur ce dossier-là, il s’offre le luxe d’une des plus courtes plaidoiries de sa carrière : “[début] Si le président m’y autorise, je m’en rapporte à mes conclusions écrites. [fin]” A ces mots, stupeur dans la salle d’audience, où la famille de l’étranger croit que son Conseil est passé à l’ennemi, en terminant sa plaidoirie avant même de l’avoir commencée (il faut dire que le représentant du Préfet avait été plus loquace en ses – vains – commentaires). Heureusement, quelques explications (et une remise en liberté) plus tard, les choses rentrent dans l’ordre, et l’étranger dans sa famille, rassérénés sur les compétences de l’avocat.

Mais en matière de plaidoirie minimaliste, il y a eu pire. Quelques années plus tôt, dans un autre dossier, l’administration avait été négligente lors de la prise de contact avec le consulat dont dépendait l’étranger. La ligne du télécopieur de l’ambassade était occupée, et l’accusé de réception du fax mentionnait : “Echec“.

L’avocat avait déposé ce document sur le bureau du juge, et pointant la mention gênante, plaidé ainsi : “[début] Bip… Bip… Bip…[fin]” avant de se rasseoir. Le JLD avait ordonné la remise en liberté de l’étranger au motif que l’administration ne justifiait pas avoir réalisé les diligences lui incombant. Les observations du Conseil étaient restées dans les annales sous le nom de « plaidoirie Tintin », en référence aux onomatopées des bandes dessinées.

Bienheureusement, la qualité de l’argumentaire de la défense ne se juge pas à la longueur de la plaidoirie, et certains magistrats ont même l’élégance de ne pas faire grief aux avocats de leur impertinence.