La question s’adresse, une nouvelle fois, aux policiers de la PAF (Police aux frontières).

Selon un établi par trois agents assermentés, une interpellation a eu lieu rue des Canonniers à Lille le 4 janvier 2010 à 13h10. Les trois policiers en patrouille auraient procédé au contrôle d’identité d’un individu sur le fondement de l’article du Code de Procédure Pénale, texte fourre-tout qui permet de faire tout et son contraire, textus mirabilis pour la PAF mais textus horribilis pour les justiciables étrangers, dont j’ai eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais – mais je m’égare.

L’individu circulant rue des Canonniers à Lille étant démuni de tout document l’autorisant à circuler et à séjourner sur le territoire national, il est donc arrêté : « Interpellons sans incident le nommé O… face au 35 rue des Canonniers à LILLE, il est treize heures et dix minutes (13h10) ». Précision d’horloger suisse.

C’est bien tenté.

Mais selon l’étranger, si l’interpellation s’est bien déroulée rue des Canonniers à Lille, il n’était pas 13h10, mais bien une heure plus tôt. Ce qui changerait tout en termes de procédure, et notamment de respect de certains délais concernant le et le .

Pour les policiers interpellateurs, l’avantage d’un procès-verbal d’interpellation, c’est qu’il n’est connu et signé que par eux, et jamais par la personne interpellée (qui est pourtant la première intéressée). Les avocats prennent connaissance de la version des policiers en lisant le dossier, et en informent leur client afin de recueillir ses éventuelles observations. Si l’étranger proteste alors que « Ce n’est pas vrai Maître ! cela ne s’est pas du tout passé comme ils l’ont marqué dans le procès-verbal »… c’est très intéressant, mais en pratique, cela ne sert strictement à rien : c’est la parole d’un justiciable étranger (en situation irrégulière) contre celle de trois agents nationaux assermentés (en situation régulière).

3 à 1 pour la PAF.

Pour les gardés à vue, l’avantage d’une interpellation, c’est qu’elle passe rarement inaperçue. Après le contrôle d’identité rue des Canonniers, l’étranger explique avoir d’abord été emmené au poste de police de la gare, tout proche du lieu de l’interpellation ; hélas, il ne peut l’établir. En revanche, il rapporte avoir été ensuite conduit pour vérifications jusqu’à son domicile situé rue des Célestins, aux alentours de 12h30 ; et offre de l’établir.

Certains magistrats considèrent, à tort, que comme en matière contraventionnelle, les procès-verbaux de police en matière correctionnelle « font foi jusqu’à preuve contraire » ; voire même, comme en matière d’acte authentique, « font foi jusqu’à inscription de faux ». Au contraire, la Cour d’appel rappelle régulièrement que les procès-verbaux de police « ne valent qu’à titre de simples renseignements ». Ce qui permet au magistrat d’user de la plénitude de son pouvoir d’appréciation.

Et sur ce coup-là, les policiers auraient du se douter que leur version résisterait difficilement à l’examen. Alors qu’il était menotté à l’arrière de la voiture de police stationnée devant son domicile, l’étranger a été vu par sa tante, son oncle, son cousin, ses voisins ; certains ont même parlé avec les policiers. Il se trouvera finalement six personnes pour rédiger des attestations en justice. Mais tout l’immeuble, qui était aux fenêtres à l’heure du déjeuner, aurait aussi bien pu témoigner.

3 à 7 contre la PAF.

Dernier essai de la préfecture : comment tous ces gens étaient-il sûrs de l’heure ? C’est pas compliqué, explique Tata : à la télé, La petite maison dans la prairie n’avait pas encore commencé ! Quelquefois, ça tient à peu de choses, la liberté.

Beau match, mais le a sifflé la fin de la partie : du fait des policiers, il est devenu impossible de ” déterminer l’heure exacte et les conditions de l’interpellation “, et ” de façon générale, la régularité de la garde à vue “.

A la décharge de la PAF, qui a bien joué, il faut dire que le terrain était glissant, et l’équipe, en match à domicile, trop confiante en ses capacités, ne cherchait qu’à marquer des points, sans trop se soucier de la Défense.