La crampe des écrivains est une dystonie segmentaire qui touche le membre supérieur dominant et plus particulièrement les muscles du poignet et des doigts. Chez les patients âgés ayant de mauvaises habitudes gestuelles, elle est la conséquence d’une sur-utilisation de l’écriture. Les principaux traitements sont les médicaments myorelaxants, les injections de toxine botulique, la rééducation, et la délégation de pouvoirs.

Le préfet du Nord, qui remplit scrupuleusement son quota de reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière, et doit pour y parvenir signer des milliers de documents administratifs, a recours à ce dernier remède, efficace et totalement indolore.

Afin d’être représenté dans les audiences de sans-papiers, le préfet a donc délégué sa signature à son secrétaire général. En cas d’absence de celui-ci, à son secrétaire général adjoint. Si les deux sont indisponibles, à son directeur de l’immigration et de l’intégration. Lorsque les trois sont empêchés, à son adjoint au directeur de l’immigration et de l’intégration.

Et lorsque ce dernier ne peut pas signer, la photocopieuse le fait à sa place…

C’est ce qui est apparu lors de l’audience du 17 juin 2010 au Palais de justice de Lille. Ce matin-là, le représentant du préfet était tout rouge et criait très fort à l’adresse de l’avocat, qui venait de se saisir des mandats de représentation déposés sur le bureau du juge : ” Rendez-moi ça tout de suite, ou vous allez voir ! ” L’avocat s’agrippe, et prend le juge à témoin : ces documents qui étaient toujours déposés à la dernière minute n’étaient pas des originaux, mais de vulgaires copies, sur lesquels une personne inconnue avait rempli les blancs. Impossible de savoir qui était l’auteur de ces actes qui mandataient le représentant du préfet devant le tribunal : la signature en bas de page avait elle aussi été photocopiée, et toutes les signatures, tampon compris, étaient rigoureusement identiques !

Faisant droit à l’objection, le magistrat interdira au représentant du préfet de participer aux débats, faute de disposer d’un mandat exprès : ” Ce pouvoir est irrégulier en application des dispositions du Code de procédure civile puisque la signature du délégant devrait également figurer en original manuscrit “.

Quinze jours plus tard, même incident, même sanction. ” Je croyais que le problème avait été réglé ? ” s’étonne le juge. Vérification faite, le faux pouvoir était utilisé par les représentants du préfet depuis de nombreuses semaines

Prudemment, l’adjoint au directeur de l’immigration et de l’intégration a renoncé à partir du 1er juillet à recourir à sa photocopieuse, pourtant si pratique, et qui le dispensait de signer ses actes juridiques. Enfin, jusqu’au 14 juillet (à suivre…)