C’est un scoop et certainement la meilleure nouvelle qu’attendaient depuis huit ans le parti des colombes dans le monde entier. Et il est rédigé de la plume d’un Amiénois. Dans deux décisions prises le 3 septembre 2009, le préfet de la région Picardie a décidé de reconduire dans leur pays deux ressortissants afghans, motif pris que les intéressés « ne sont pas exposés à des peines ou traitements contraires à la Convention européenne des droits de l’homme en cas de retour dans le pays d’origine » ! D’ordinaire, avant de prononcer des expulsions vers des pays «à risques», l’administration s’entoure de précautions oratoires, et s’abrite derrière des circonvolutions telles que « l’intéressé allègue mais n’établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la Convention européenne des droits de l’homme en cas de retour dans son pays d’origine ».

Par application du principe de précaution, les Etats s’interdisent généralement de reconduire dans un pays en guerre des réfugiés qui fuient les combats. Les professionnels aguerris ne cherchent même pas à placer en rétention les populations « non reconductibles ». En tout état de cause, ils s’interdisent de les renvoyer vers une zone de conflit. Expulser des Tutsis au Rwanda en 1994, des Kosovars en Serbie en 1998, ou des Kurdes vers l’Irak en 2000, comment dire ? Pour parler diplomatiquement, ça craint un max.

Afin d’éviter les bavures, les préfectures françaises jouent le plus clair de leur temps au grand jeu de « Qui n’en veut de mes réfugiés ? », et réexpédient allégrement vers la Belgique, l’Italie ou la Grèce, les malheureux dont les empreintes ont été saisies dans le fichier Eurodac au cours de leur traversée de l’Europe. Cela s’appelle “les accords de réadmission”, et permet de gonfler à faible coût – et à moindres risques – les statistiques des reconduites à la frontière.

Les deux Afghans, interpellés en Picardie après plus d’un an de pérégrinations en direction de l’Angleterre, expliquent aux gendarmes qu’ils ont quitté leur pays « pour les problèmes inter-ethniques » parce qu’ils vivaient dans la région de Baghlan, une zone en situation « de guerre civile », « militarisée par l’OTAN ».

La réponse de la préfecture tombe trois heures plus tard : les deux Afghans doivent être reconduits dans leur pays. Mais ils n’ont plus aucune crainte à avoir, puisque, selon le préfet picard, la guerre en Afghanistan, c’est fini (si tant est qu’elle ait jamais eu lieu).

A la décharge du préfet d’Amiens, ce souci d’apaisement (si pas dans les faits, au moins dans les propos officiels) parait très répandu dans les administrations. Tenez : dans une interview donnée à Libé, le sous-préfet de Calais soutenait un mois plus tôt, à propos des Afghans qu’il s’apprêtait à expulser de la “jungle”, que « leur retour se passe dans des conditions sûres », parce que « on ne les emmène pas vers la mort, mais vers des zones pacifiées “. Cette interview était donnée une semaine avant les assassinats par les Talibans de dix soldats français dans la région de Kaboul, qui portaient à plus de onze cents le nombre de tués au sein de la Coalition en Afghanistan.