Un 14 février au soir, M. S., Bangladeshi très typé, chemine vers la ville pour vendre ses roses, un volumineux bouquet de 104 fleurs dans les bras. Il se voit tout à coup cerné par un équipage de la Police aux frontières (PAF) : « C’est interdit de vendre des fleurs ! » lui crie l’ombrageux policier qui contrôle ses papiers. Comme de juste, l’étranger est démuni de titre de séjour.

Connaissez-vous les textes qui visent l’infraction de vente sans patente ? Le policier non plus visiblement, qui rédige son PV d’interpellation en expliquant qu’il a procédé dans la rue au contrôle d’identité d’un individu sur le seul visa de l’article 78-2 4° du Code de procédure pénale, qui d’après la savante opinion de la Cour de cassation ( non publié – heureusement), autorise les policiers à contrôler n’importe qui, n’importe quand, n’importe comment, et pour n’importe quoi, pourvu qu’ils se trouvent n’importe où à moins de 20 km d’une frontière terrestre.

Lors de l’audience devant le Juge des libertés et de la détention, l’interprète bangladais témoigne que l’étranger est bien arrivé à la PAF avec son énorme bouquet de roses. Ce genre de choses ne passe pas inaperçu. « Surtout en ces lieux », soupire une jeune fonctionnaire de police. Un vieux gradé de l’escorte explique que le volumineux ornement, remisé trois jours durant sur une étagère en métal, a fini d’autorité à la poubelle, son légitime propriétaire ayant pris la voie du centre de rétention…

Le magistrat refuse de considérer que le contrôle d’identité de ce vendeur à la sauvette confine au détournement de pouvoirs, et que la confiscation de ses 104 roses aurait fait grief à l’intéressé. Selon l’, il s’agit de simples « effets périssables ». Ce doit être le genre de choses qu’on dit, dans les milieux instruits, lorsqu’on revient à la maison les mains vides un soir de 14 février, jour de la Saint Valentin.