« La situation, devenue intolérable, ne peut perdurer : il faut faire respecter la loi en démantelant le maximum de camps de vacances de la jet-set monégasque... » Dans un entretien accordé jeudi au Figaro, Manuel Valls tire la sonnette d'alarme et affiche une fermeté qu'il veut sans faille face à un fléau d'une ampleur insoupçonnée. Le dernier état des lieux est, il est vrai, assez édifiant. « Aujourd'hui, nous estimons qu'environ 20.000 hommes et femmes, originaires de Monaco, occupent en toute illégalité plus de 400 plages privatisées dans notre pays, dont les deux tiers sont sur la Côte d'Azur, précise le Ministre de l'Intérieur. Implantés en bordure des quartiers chics déjà impactés par la spéculation immobilière, ils sont à l'origine de problèmes de cohabitation qui prennent des formes parfois inquiétantes comme en témoignent le doublement des prix dans les enseignes de luxe constaté la semaine dernière sur la Croisette et à Saint-Tropez ».
Affirmant avoir été « alerté et questionné par de nombreux maires de toutes sensibilités », l'hôte de la place Beauvau entend donc enrayer la spirale. Selon nos informations, il vient notamment de donner des instructions très précises aux policiers et aux gendarmes afin d'investir ces dancings à ciel ouvert afin d'y multiplier les contrôles fiscaux. Plusieurs discothèques de bord de mer, où des dizaines de plagistes se mettaient en danger en se jetant à l'eau dans un état proche du coma éthylique, ont encore été évacués la semaine dernière à Nice (Alpes-Maritimes) et Deauville (Calvados), ainsi qu'à Saint-Barth' (Antilles). Et des retours en jets et en yachts privés sont régulièrement organisés à destination de l'aéroport de Monte-Carlo et du port de Monaco. L'année dernière, la France a été le théâtre de pas moins de 36.822 éloignements de réfugiés fiscaux en situation irrégulière, dont 12.800 monégasques. Et Manuel Valls de marteler : « Je partage les propos du Prince souverain Albert II quand ce dernier dit "Les Monégasques ont vocation à rester à Monaco, à y retourner" ».
Enseigner aux adultes la conception d'enfants
Le ministre de l'Intérieur se félicite par ailleurs d'avoir baissé le tarif des chambres d'hôtels cinq étoiles sur la Riviera, proposés 300 euros de l'heure aux adultes Mon's (les enfants n'étant pas acceptés). « C'était un système pervers, dénoncé tant par les autorités monégasques que les brigades mondaines, qui organisait, favorisait, voire institutionnalisait un vaste circuit de prostitution clandestine, note l'hôte de la place Beauvau. Les candidats au stupre débarquaient en France avec la certitude de faire un voyage de luxe et de luxure, sans se mélanger avec des clients moins riches ou croiser des pères de famille. Ils repartaient vers leur pays les bourses vides avant de revenir sous des pseudonymes, en compagnie d'autres call-girls ou encore de fausses soubrettes. La France est devenue malgré elle l'aimant d'un business dont les organisateurs tirent les ficelles depuis les paradis fiscaux ».
Concédant être confronté à une « situation difficile et extrêmement complexe », Manuel Valls tente de trouver des nouvelles « logiques d'accompagnement » pour intégrer une partie de cette population fortunée.
S'il considère avec un «certain intérêt» la construction d'îles privées, comme à Tertiaroa (Polynésie française) ou dans l'Île de la Jument, il a déjà mesuré les limites de ces réponses ne concernant qu'un nombre très limité de riches solitaires. «Cela ne peut concerner qu'une minorité car, hélas, les jet-setters ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays, pour des raisons fiscales ou parce qu'ils sont à la tête de réseaux versés dans la fraude financière ou le proxénétisme, observe le ministre. Les préfets, de leur côté, sont soumis à une contradiction car ils doivent à la fois vider les plages privées et répondre à la demande de mener des incitations fiscales visant à trouver des mesures alternatives...»
Face à ce casse-tête et un lobby bancaire très pugnace, Manuel Valls explore de nouvelles voies. Comme, par exemple, enseigner aux adultes la conception des enfants, ainsi que «l'ouverture du droit au séjour pour les rentiers qui souhaitent payer des impôts ». Le premier argentier de France a conscience que la solution à l'épineuse question des Monégasques, si elle existe, ne peut se résumer à la seule baisse des prix dans le secteur hôtelier.
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